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Stratification, thermiques, turbulences

Par souci de simplicité, j'ai choisi de me contenter d'une vallée et d'un relief «type» (voir schéma), de négliger le vent et les autres facteurs, et de définir d'abord quelques termes:

Le fond de la vallée ou zone de circulation du vent de vallée: Celui-ci, très souvent le matin, est occupé par une inversion qui se retire progressivement au cours de la journée alors que se déclenche le vent de vallée qui à son tour amène de l'air stable et déchire les thermiques.
 
La zone d'échauffement 1: Le soleil dans cette zone réchauffe le sol et celui-ci chauffe la couche d'atmosphère à son contact. Si l'écart de température par rapport à l'air ambiant est assez important, la masse d'air chaude commence à monter et s'écoulera vers le haut par les flancs du relief emportant à son passage l'air chaud adhérant encore à la pente (zone d'échauffement 2). Elle est perturbée par des couches «plus mauvaises» (vent, mauvais gradient).

Le point de détachement: A cause d'une irrégularité dans le terrain (limite d'un bois, neige ou autre) l'air chaud se détache du sol pour former des bulles ou d'autres paquets d'air.

La zone d'ascendance: Plus l'écart de température par rapport à l'air ambiant est important, plus la vitesse d'ascension de ces paquets d'air sera grande. Ils sont aussi perturbés par des couches plus mauvaises.

La zone de ralentissement:
La vitesse du paquet d'air chaud diminue parce que l'écart de température par rapport à l'air ambiant devient trop petit. Si le gradient n'est pas assez élevé dans la zone d'ascendance ou le paquet d'air pas assez chaud, ce dernier se ralentira déjà en zone d'ascension. Bien souvent, ces deux zones ne sont pas clairement séparées l'une de l'autre.

Nous passons à présent au thème proprement dit de notre article, à savoir l'influence du gradient sur les thermiques dans les différentes zones. Mais rappelons d'abord à titre de point de repère une vieille règle: un gradient de 0.6°/100 m et moins est considéré comme mauvais, 0.7°/100 m et plus comme bon.

Le fond de la vallée ou zone de circulation du vent de vallée: Comme nous l'avons signalé antérieurement, le gradient à proximité du sol est très souvent négatif le matin (inversion au sol). Par la suite intervient le vent de vallée qui lui aussi entravera à nouveau fortement la formation des thermiques. Pour la planification du vol, il est plus important de savoir quelle hauteur atteint le vent de vallée dans l'après-midi.

La zone d'échauffement 1: C'est à ce niveau que cela devient intéressant! Par gradient de 0.8 et plus, l'écart de température par rapport à l'air ambiant augmente rapidement et, ce faisant, permet déjà à de petites masses d'air de se détacher et de monter à grande vitesse. Les bulles sont si petites que même de bons pilotes ne sont pas toujours capables de les enrouler. Mais aussi, en raison de leur grandeur, de leur cheminement fortement biaisé et de la propre chute forcément plus forte, le pilote descend très vite à son bord inférieur et se voit obligé de passer à la bulle suivante! Et celle-ci viendra certainement (à condition que l'irradiation solaire reste identique)! Il n'est pas nécessaire, je crois, d'insister sur le fait que ces bulles sont ressenties comme étant particulièrement turbulentes. Contrairement à ce cas, il faut beaucoup plus longtemps jusqu'à ce qu'un paquet d'air soit assez chaud pour amorcer son ascension lorsque le gradient se situe entre 0.4 et 0.6. L'air de son entourage immédiat aura aussi le temps de se réchauffer et c'est ensemble que ce nouveau paquet commence à s'élever. Cette masse d'air s'est réchauffée tout autant pour ne pas dire davantage et se laisse facilement centrer. Mais gare à celui qui la loupe... jusqu'à l'arrivée du prochain paquet, il sera descendu vraisemblablement au tapis.

La zone d'échauffement 2: L'air chaud, qui s'est formé et adhère encore à la pente, est entraîné le plus souvent vers le haut par les thermiques venant de plus bas. Il est rare et seulement par gradient élevé, que cet air commence à monter de lui-même. Cette zone peut avoir un effet ralentisseur ou accélérateur sur les masses d'air provenant de la zone 1 (essentiellement par gradient 0.7). Elle peut aussi renforcer négativement l'effet en 1.

Le point de détachement: Il n'existe pas de grande corrélation entre le détachement des thermiques et le gradient au point de détachement. La différence de température entre le paquet d'air et la masse d'air en revanche est important: par petite différence, l'air chaud aura plutôt tendance à s'écouler encore plus longtemps vers le haut le long de la pente. Toutefois, l'air chaud se détache le plus souvent en arrivant à un rebord ainsi que le montre le schéma.

La zone d'ascension: C'est maintenant qu'il faut un gradient élevé! Plus il sera grand, mieux ce sera... L'effet de freinage diminue par gradient élevé et les paquets peuvent prendre de belles formes.

La zone de ralentissement: Plus un paquet d'air est freiné lentement (gradient modéré, écart de température avec l'air ambiant en diminution progressive), plus il sera agréable (encore plus beau pour nous, lorsque la zone de ralentissement commence seulement au-dessus de la base). Si le paquet d'air chaud se fait «retenir» par un gradient très bas (< 0.3) ou même par une inversion, il est possible que des turbulences apparaissent. A titre d'illustration, on peut s'imaginer une goutte d'eau qui tombe à l'eau et s'éclate au moment du heurt.

La zone de perturbation: En réalité, il arrive souvent que des couches d'air entravant l'ascension viennent s'ajouter à toutes les zones. Mis à par le vent, il s'agit avant tout de couches à gradient bas ou petites inversions. Le paquet d'air chaud doit se frayer un passage à travers ces couches et comme dans le cas de la goutte tombant dans l'eau, engendrera des turbulences.

Résumé en quelques phrases, je prétends donc qu'il est préférable que le gradient sous le point de détachement soit modéré, puisqu'il empêche que des bulles trop petites, difficilement exploitables, créatrices de turbulences, se détachent et montent trop rapidement. Au-dessus du point de détachement, en revanche, il est souhaitable que le gradient soit aussi élevé que possible, afin que les thermiques puissent monter librement. Des turbulences se forment aussi lorsque les thermiques rencontrent en cours d'ascension des couches plus stables. Afin que les nuages ne prennent pas de proportion démesurée, il est à nouveau souhaitable que la couche d'air à hauteur de la base redevienne plus stable et avant tout sèche.

Afin de rendre le tout encore un peu plus clair, voici deux exemples, le meilleur et le pire des cas:

Le meilleur des cas: Dans la zone de réchauffement inférieure, nous avons un gradient de 0.5, plus haut 0.7 et à partir de la limite des bois 1.0; ainsi plus rien ne fait obstacle à l'ascension des grandes bulles qui apparaissent dans un intervalle cyclique calculable. Ce n'est qu'en arrivant à proximité de la base que la masse d'air se stabilise à nouveau, 0.5 s.v.p., ce qui a pour effet de freiner lentement la bulle, déjà bien large, qui cependant monte encore jusqu'au bord du nuage sous l'action d'un léger effet d'aspiration. La couche d'air, 400 m plus haut, est stable, mais extrêmement sèche, afin qu'il n'y ait pas d'étalement... L'ensemble est encore consolidé par une pression atmosphérique pas trop élevée dont la tendance est légèrement à la baisse, et le vent bien entendu est modéré... C'est la journée où tu as l'impression de bien voler, où tout semble possible et qui à ce titre présente peu de risques...

Le pire des cas: 1.0 jusqu'à la limite inférieure du décollage (correspond souvent à la hauteur où nous cherchons les thermiques à proximité de la pente), puis inversion qui, cependant, est encore réchauffée par les plus puissantes bulles. Au-dessus, encore des couches à gradient bas qui entravent l'ascension paisible. Inversion à tendance descendante (présence d'inversion avec masses d'air descendant sous l'action d'une zone de haute pression) et vent donnant l'impression de ne vraiment pas être en forme aujourd'hui. Ayant raté le bon moment pour décoller, tu descends pour commencer sous l'inversion où tu as bien du mal à saisir les bulles étroites se développant dans le bassin ensoleillé; après plusieurs fermetures et seulement au bout de 20 minutes, trempé de sueur, tu réussis à dépasser le décollage. Tes amis sont déjà loin depuis longtemps (zut! qu'est-ce que je fais aujourd'hui?!...), mais après avoir traversé la première vallée ce sont eux qui sont bas et toi qui peux choisir parmi les plus fortes pompes présignalisées par les autres...

Heureusement que tous les jours ne se présentent pas comme ces deux cas extrêmes. En réalité, il y a interaction de douzaines de facteurs (vent, pression atmosphérique en baisse/en hausse, ascendances et descendances liées à l'exposition sous le vent ou au vent d'un relief, zones ombragées, etc...) qui façonnent la journée. Cependant, plus tu connais ces facteurs, mieux tu pourras planifier ta journée et par conséquent mieux tu seras préparé à rencontrer certaines conditions. Un point non négligeable pour la sécurité.

Martin Scheel


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Article publié avec l'autorisation du magazine SwissGLIDER de la FSVL - 1997.

 

 

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