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Turbulences à l'atterro

Les turbulences peuvent non seulement provoquer des fermetures subites (parapente), mais produire des changements instantanés de l’intensité et de la direction du vent. Ces turbulences, déclenchées aussi bien par les décollements thermiques que par un renforcement du vent, créent des difficultés à l’atterrissage.

Durant la phase vent arrière, la manche à air pointait encore vers l’amont; voilà qu’en base, elle se met subitement à tourner: l’atterrissage par vent arrière est inévitable! Ce ne serait pas un problème, vu le faible vent, s’il ne s’agissait de toucher une cible de 30 mètres! Un atterrissage au-delà de la cible lors d’un examen est certes énervant, mais pas dangereux en soi… à moins que le terrain soit limité par des obstacles tels qu’une ligne électrique ou des arbres.

Fig. 1
Essai en soufflerie aérodynamique: l’écoulement laminaire se décolle et derrière le bloc rectangulaire se forme une zone de recirculation engendrant des tourbillons supplémentaires.
     
Fig. 2
Fermeture à faible distance du sol, dans la zone sous le vent d’une confluence de vallées.


Turbulences d’origine thermique
Cette désagréable situation est due à un phénomène nommé turbulence thermique. A un rythme de l’ordre de 10 à 20 mn, des bulles d’air chaud se décollent à différents endroits du sol, aspirant de l’air se trouvant à proximité. Ce phénomène s’observe tantôt en amont, tantôt en aval ou sur le côté du terrain d’atterrissage. Lorsque la bulle se détache devant l’atterrissage, l’air aspiré engendre un vent de face favorable. Par contre, une bulle d’air chaud s’élevant au-delà du terrain produit un vent arrière désagréable. Si elle se forme à gauche ou à droite de l’atterrissage, il se crée un vent latéral venant de la gauche ou de la droite.

La turbulence d’origine thermique peut causer des difficultés d’une autre nature lors de l’atterrissage. Déclenchés par la bulle d’air en ascension, se forment des courant d’air de compensation, dirigés vers le bas. Ces flux verticaux, qui s’écoulent souvent assez près les uns des autres, peuvent prolonger ou raccourcir la volte d’atterrissage. S’il ne veut pas être déporté trop loin, le pilote doit effectuer des virages supplémentaires en «S» dans l’air ascendant. Mais attention! Une faible ascendance peut se transformer rapidement en descendance: le taux de chute augmente subitement et l’obstacle le plus inoffensif devient extrêmement dangereux. Dans ce cas, les obstacles impossibles à contourner, une ligne téléphonique par exemple, sont particulièrement redoutables.

Il n’existe pas de recette générale pour éviter de se retrouver dans une telle situation. Le choix d’un terrain plutôt long ou d’une volte qui ne vous oblige pas à survoler des obstacles est sans doute judicieux. A la fin de ma formation, mon instructeur m’avait conseillé de toujours tenter un atterrissage de précision, même lorsque les conditions ne sont pas difficiles. Avant sa volte, on se fixe un point sur l’atterro que l’on s’efforce d’atteindre. A cet effet, les écoles placent un objet bien visible sur le pré. Dans une situation critique, l’expérience ainsi acquise s’avère précieuse.

Turbulences d’origine mécanique

Un vent constant facilite l’atterrissage. Mais même dans ce cas, il faut faire preuve de prudence, car le passage du vent sur un obstacle crée également une turbulence, une turbulence mécanique comme on dit dans le jargon. Caractéristique de ce phénomène: le nombre et la puissance des tourbillons créés sont surproportionnels à la force du vent. Si le vent double, passant p. ex. de 15 à 30 km/h, l’intensité de la turbulence se multiplie par quatre. Les tourbillons deviennent plus puissants, plus volumineux et durent plus longtemps. Donc ils sont aussi transportés plus loin par le vent. Directement derrière des obstacles tels que des bâtiments, arbres ou collines escarpées se forme ce que l’on appelle une zone de recirculation engendrant au sol un retour de courant, c.-à-d. de direction opposée à celle du vent. Des essais sur maquette ont montré que cette zone de recirculation peut s’étendre sur une distance égale à dix fois la hauteur de l’obstacle. De plus, les remous qui se créent sur le pourtour des obstacles sont eux aussi transportés au loin par le vent.

En présence d’un fort vent de face, alors que l’on s’attend à une finale courte et que l’on pense qu’un pré relativement petit permettra un atterrissage sûr, cette zone de recirculation peut être très sournoise. On constate, pendant sa prise de terrain, que le vent de face est fort. On ne se donne donc pas le peine de survoler le plus bas possible les obstacles situés au début du terrain, vu que l’angle de plané est très mauvais et que l’on est certain de descendre au sol sur une courte distance. Et voilà que, en raison de la chute soudaine de la vitesse du vent à proximité du sol, voire du retour de courant qui se crée dans la zone de recirculation derrière l’obstacle, la longueur du vol plané s’allonge contre toute attente, si bien que l’on risque de percuter p. ex. les arbres se dressant à la limite du terrain. Les tourbillons formés aux abords de l’obstacle et propagés par le vent représentent un danger supplémentaire. Les conséquences peuvent être dramatiques: fermeture à faible distance/sol (parapentel. Plus le vent est fort, plus l’atterro devrait être vaste et plus il faut se poser loin derrière l’obstacle pour ne pas subir l’effet de ces tourbillons.

Dans les Alpes, derrière les coudes accentués de vallée (sur le côté intérieur du coude) ou à la confluence de vallées latérales (sur le côté exposé au vent), se forment des zones sous le vent assez étendues dans lesquelles un atterrissage peut se transformer en danse de Saint-Guy. Si des décollements thermiques viennent renforcer les turbulences et les catapulter en altitude, la situation devient infernale. Bien sûr, les atterros officiels ne se situent pas dans de telles zones, mais en cross, lorsqu’on est contraint à l’atterrissage de fortune, il faut tenir compte de ce phénomène dans son choix.

Martin Gassner


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