PREVENIR - Prendre des marges

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Publication : dimanche 19 juin 2011 13:52

Écrit par Raymond Caux

En vol libre comme dans la plupart des sports de nature, les accidents sont dus à 90% au facteur humain et à 10% au matériel. Côté humain, nous faisons quelques bêtises, mais cela finit bien et nous concluons que nous sommes malins, alors que nous avons souvent juste eu de la chance. En ayant su "gérer", nous avons tendance à reprendre des risques, donc à retenter la chance de plus en plus, et de plus en plus souvent. C'est tellement énorme que nous ne le voyons pas, ou ne voulons pas le voir, car il faudrait nous remettre en question, pas facile.

Deux conceptions s'opposent, la téméraire : l'accident est un incident qui a mal tourné, et la trouillarde : l'incident est un accident où nous avons eu de la chance. Dans une carrière de pilote, il y a peu de vrais accidents, quelques incidents, et pas mal de "chaleurs", toutes ces fois où ça passe juste, PTI, décollage lent, bulle salvatrice en zone hostile. La plupart du temps c'est l'occasion d'une bonne rigolade autour d’une bière. Et nous retenons que c’est passé, cette fois, et encore cette autre fois ... Nous apprenons à recommencer.

Si maintenant nous considérons la somme des accidents, incidents et "chaleurs" déjà vécus, et leur attribuons à tous une petite dose de chance, nous constatons que nous en avons déjà eu, beaucoup même. Imaginons par exemple que dix pilotes volent en montagne par vent trop fort et que l’un d’eux finit sous le parachute (toute ressemblance serait évidemment fortuite ...). Avec la première grille de lecture il n’a pas eu de chance, avec la seconde tous les dix ont eu de la chance !

Compter souvent sur la chance non seulement garantit statistiquement que ça va mal finir, mais surtout nous habitue insidieusement à des comportements limites et alimente notre inconscience du risque. Parmi les malchanceux il y avait des bons, de très bons même. Qu’avons-nous de plus qu’eux, une armure magique ? Que faire ? Avouons que la liste de nos bêtises est déjà longue. Donc nous sommes sur la ligne rouge, tranquillement. Regardons le problème en face. Partageons ces événements au lieu de les glisser sous le tapis, tous ont à y apprendre : bases accidents, incidents, forums.

Et comment éliminer la chance ? Prendre des marges, de vraies marges, ne plus "passer juste". Renoncer quand nous ne sommes pas en forme, quand c’est fort, quand l’aile n’est pas réglée + le harnais neuf + dix heures d’avion la veille. Non seulement y penser, mais le faire vraiment, renoncer. Il y aura encore tant de vols fantastiques à déguster, celui-ci est-il absolument indispensable ? Le rapport plaisir sur risque est-il énorme ? Si oui, alors en avant, il y a de la marge. Bons vols.

Raymond Caux - Merci Raymond pouzr le partage de cet article sur Wikidelta.com !